La grotte Cosquer enfin révélée au public
La réplique de la grotte Cosquer ouvre ses portes le samedi 4 juin à la Villa Méditerranée. L'occasion de revenir sur l'histoire de la découverte de cette grotte exceptionnelle, située dans les calanques de Marseille, au Cap Morgiou.
Vous souhaitez aller plus loin ? Le n°272 de la revue Marseille consacre des longs chapitres à ce site exceptionnel : consultez le dernier numéro de la revue Marseille : "Aux origines de Marseille" - n°272
La découverte
En 1985, Henri Cosquer, alors directeur du Club Cassidain de Plongée, explore comme souvent, le pied des falaises des Calanques entre Marseille et Cassis.
Il plonge depuis son bateau, le Cro Magnon, à l’à-pic de la Triperie et s’engage dans l’ouverture d’un boyau qui s’ouvre dans la paroi à 37 mètres de profondeur. Sans l’éclairage nécessaire et un équipement suffisant, il ne peut toutefois poursuivre son exploration.
Il n’y retourne qu’en 1991 pour explorer le boyau à l’aide d’un équipement de plongeur-spéléo (1), et à sa grande surprise, débouche, à plus de 120 mètres de l’entrée, dans une grotte immense à l’air libre.
Deux grandes salles sont parsemées de merveilles minérales. Soudain, son regard est happé par une main peinte sur une paroi ! Il prend des photos. Revenu à la surface, le cliché lui révèle non pas une, mais trois mains.
Cette étrange découverte lui fait entreprendre une nouvelle exploration minutieuse de la salle, accompagné par deux amis. En quête d’autres traces, il se doute qu’il se trouve dans un sanctuaire orné et que ces mains ne sont pas contemporaines.
Durant l’été 1991, il découvre peu à peu avec les moniteurs de son club, les secrets de la grotte : animaux peints, multiples gravures et de très nombreuses mains, sans toutefois déclarer sa découverte.
Un drame
Dans le milieu de la plongée-spéléo, la nouvelle fuite vite. En septembre 1991, trois plongeurs venus de Grenoble s’engagent dans la grotte sous-marine. N’ayant pas pris la précaution de tendre un fil d’Ariane qui les aurait guidés vers la sortie, ils se perdent dans les galeries noyées et y trouvent la mort. Henri Cosquer, qui participe à la recherche des corps déclare sa découverte le 3 septembre à la DRASSM (2).
Vers l’authentification
Très vite, une polémique éclate. Le sud-est de la France n’a livré que très peu de témoignages d’art pariétal et aucune grotte sous-marine n’a délivré dans le monde de tels témoignages.
Pour trancher la question, la DRASSM met en place une mission d’expertise scientifique confiée à Jean Courtin, directeur de recherche au CNRS, préhistorien et plongeur, spécialiste d’archéologie sous-marine, pour authentifier les peintures et gravures. Cette opération s’effectue en octobre 1991, avec l’aide logistique de l’Archéonaute, le navire d’exploration archéologique de la DRASSM. Une équipe d’archéologues chercheurs-plongeurs préhistoriens spécialistes d’art pariétal est présente, la sécurité du site est assurée par des nageurs de combat.
À la suite de cette première mission, l’entrée de la grotte est fermée par des blocs de béton.
La révélation
Le verdict des chercheurs est sans appel : les œuvres sont authentiques.
Il faudra attendre plusieurs mois pour que des datations au carbone 14 effectuées à partir de charbons de bois directement prélevés sur les peintures viennent confirmer les observations faites in situ et révèlent deux occupations humaines.
Celle qui correspond aux mains peintes est datée de – 33 000 ans avant le présent et l’autre, celle aux gravures et peintures, de -19 000 ans avant le présent. La grotte Cosquer se révèle être une des plus anciennes grottes ornées découvertes dans le monde.
Un défi technique et artistique
Le public découvrira donc une grotte reconstituée à l’identique, grâce au savoir-faire d’artistes plasticiens spécialistes de la Préhistoire : Alain Dalis et Gilles Tosello, qui ont réalisé la réplique de la grotte Chauvet en Ardèche avec leurs ateliers entre 2012 et 2014. Le parcours effectué par les visiteurs est le même que celui d’Henri Cosquer, grâce à une simulation de base sous-marine !
Les œuvres de nos ancêtres
La paroi et les dessins qui l’ornent doivent donner l’illusion du réel.
La difficulté ? Redonner l’impulsion du geste de ces artistes, un trait rapide, fluide, assuré, du noir mais aussi des nuances de gris et de l’ocre… Pingouins, phoques, cervidés, sont exécutés avec une grande sûreté de main. Les plasticiens ont utilisé la même essence de bois, issue d’un pin sylvestre, brûlé, pour obtenir le même fusain que les hommes préhistoriques. Il a fallu tracer, puis estomper au doigt sur la paroi rocheuse pour restituer cette pâte picturale. Les hommes préhistoriques connaissaient le feu et l’avaient domestiqué, c’est une certitude, et l’utilisation de pinceaux faits de bâtons de bois écrasés à l’extrémité est également très plausible.
La grotte n’a jamais servi d’habitat. Les hommes préhistoriques se sont seulement aventurés dans la cavité pour peindre ou graver des animaux, tracer des signes géométriques, laisser leurs empreintes et des tracés digitaux. Ils vivaient dans des campements à proximité et chassaient… Conservées dans l’argile des sols et des parois des grottes, des empreintes de pas ou de mains d’enfants témoignent de leur présence dans la grotte : un enfant porté sur les épaules d’un adulte, a imprimé ses doigts sur le plafond.
Les animaux les plus représentés sont le cheval et le bouquetin. Ils sont associés à des cervidés, à des aurochs ou à des bisons. Certains animaux sont plus exceptionnels, comme l’antilope saïga et le «cerf mégaceros». Ce bestiaire est complété par une figuration de panthère, de celles de plusieurs chamois, de phoques, pingouins et méduses. Les représentations d’animaux marins sont exceptionnelles durant le Paléolithique et font de la grotte Cosquer un site unique en son genre.
Plusieurs animaux gravés présentent sur leur corps des signes rectilignes qui rappellent des pointes de jet. C’est aussi le cas de la seule représentation humaine de la grotte, appelée « l’homme tué » : un personnage mi-homme, mi-animal, dessiné avec une nageoire, une tête ronde comme un phoque. Il est traversé par un grand harpon, ce qui laisse présumer une mort survenue lors d’une chasse...
Tous ces trésors sont désormais à la portée du public, qui pourra ainsi s’approprier à son tour les merveilles réalisées par nos ancêtres.
(1) équipement dédié à la plongée souterraine pour l’exploration des conduits noyés naturels
(2) Le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines
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La grotte Cosquer située dans les calanques de Marseille au cap Morgiou porte le nom de son découvreur, le plongeur Henri Cosquer. Officiellement déclarée en 1991, elle est classée monument historique la même année.
Accessible uniquement par un tunnel de 175 mètres de long dont l'entrée est située à 37 mètres sous le niveau de la mer, elle est unique au monde et abrite des dizaines d'œuvres peintes et gravées.
Deux périodes privilégiées de fréquentation humaine de la grotte se distinguent : la première autour de - 33 000 ans, la seconde autour de - 19 000 ans.
Des animaux terrestres mais aussi des phoques, des pingouins, 55 mains négatives ou positives - paume et doigts dirigés vers le ciel ou dirigés vers le sol - des tracés digitaux, de nombreux signes géométriques et une gravure représentant un «homme tué ».
Ces phases correspondent à des cultures de la Préhistoire connues sous les noms de Gravettien pour la plus ancienne et d’Epigravettien pour la plus récente.
En raison de la montée des océans depuis la fin de la glaciation, la grotte Cosquer est une caverne engloutie. Aucune grotte ornée n’a jusqu’à maintenant été trouvée au-dessous du niveau de la mer. À l’époque paléolithique, la mer était 120 mètres plus bas qu’actuellement et le rivage situé à une dizaine de kilomètres !